Je suis éducatrice à la petite enfance inscrite et je vous encourage à réfléchir avec moi sur le choix de notre vocabulaire!  

Il n’y a aucun doute que travailler dans le domaine de la petite enfance est une passion, un domaine du cœur, une vocation. Alors pourquoi est-ce que le personnel éducateur se sent si peu valorisé dans son quotidien? Pourquoi perdons-nous autant de membres du personnel éducateur? Pourquoi sommes-nous toujours en grande pénurie? 

Et si la valorisation de la profession et du secteur de la petite enfance devait commencer par nous-mêmes? Je me demande si les mots, le vocabulaire et le choix de nos messages influencent négativement l’image de la profession que l’on projette auprès de la communauté.  

J’essaie de vous expliquer ma réflexion à partir de l’exemple d’une phrase entendue régulièrement :  “À la garderie ce matin, j’ai affiché les beaux bricolages que les enfants ont faits.”  

Vous allez me dire qu’il n’y a rien de mal dans cette phrase… Pourtant, selon moi, les mots que l’on choisit ont une grande importance. Prenons le mot “garderie” par exemple : Oui, c’est un mot reconnu par la majorité des gens, mais qu’est-ce qui résonne dans nos têtes en prononçant ce mot? Garde… Oui, dans les services éducatifs, nous offrons effectivement un service de “garde” mais ce service va bien au-delà de la simple surveillance des enfants. Nous jouons un rôle d’accompagner l’apprentissage des enfants dans le continuum de leur développement et de leur éducation et ça, c’est une responsabilité bien plus grande qu’une simple “garde sécuritaire”. Le mot “garderie” fait référence au mot gardienne ou gardien. Les EPEI (éducateurs et éducatrices de la petite enfance inscrits sont des professionnels membres d’un ordre professionnel et doivent adhérer au code de déontologie, tout comme un enseignant, un avocat ou un médecin. Les autres membres de l’équipe éducative qui ne sont pas EPEI sont tout aussi importants dans l’accompagnement éducatif des enfants. À l’AFÉSEO nous aimons utiliser le terme “personnel éducateur en petite enfance” qui, selon nous, est un terme non genré, inclusif et valorisant. De plus, nous avons intentionnellement choisi de ne plus utiliser le terme “garderie”; nous le remplaçons par centre éducatif, centre de la petite enfance ou service éducatif à l’enfance. Je m’amuse bien avec mes collègues à dire que je suis allergique au mot qui commence par “g”.   

Revenons à notre phrase du début, plus précisément à cette partie : “j’ai affiché les beaux bricolages que les enfants ont faits”. À première vue, il n’y a rien de terrible dans cette phrase, mais en réfléchissant un peu plus au message que l’on projette, on se demande où sont la valeur éducative et l’importance du rôle du personnel éducateur? De plus, les enfants sont généralement associés à quelque chose de “cute” ou d’adorable, sans plus de valeur. Pourtant, en tant que personnel éducateur, nous savons très bien que les enfants sont bien plus qu’“adorables”, ils sont des personnes à part entière, remplis de curiosité et de questions sur le monde. Afficher les beaux bricolages envoie le message que c’est le seul aspect que l’on remarque chez eux. Pourtant, dans nos observations au quotidien, nous retenons bien plus que le produit d’un bricolage. Je vous encourage à mettre de l’avant les grandes explorations des enfants, leurs questions, leurs curiosités, leurs succès, au lieu de mettre l’accent sur un produit final qui ne représente pas la vraie image de l’enfant. Pour moi, être éducatrice à la petite enfance, c’est être une coapprenante passionnée, une observatrice attentive et une facilitatrice d’apprentissages. C’est créer un environnement où chaque enfant se sent bien, valorisé et encouragé à explorer le monde qui l’entoure. C’est aussi de célébrer la curiosité innée des enfants et de les accompagner dans leurs découvertes. Chaque question posée, chaque jeu imaginé, chaque interaction est une opportunité d’apprentissage.  

Ensemble, nous pouvons redéfinir notre image et celle de notre profession. En choisissant des mots qui reflètent la profondeur de notre travail, nous pouvons changer la perception de la communauté envers nous. Cela commence par nous, par notre façon de communiquer et de valoriser ce que nous faisons au quotidien.   

Je vous invite à réfléchir à votre propre vocabulaire et à la manière dont il peut renforcer notre identité professionnelle. La prochaine fois que vous serez tenté de dire “J’ai affiché les beaux bricolages des enfants de la garderie”, essayez plutôt de trouver des mots qui valorisent notre profession!  

Bonne réflexion!