Avec le temps des fêtes qui approche, j’ai en mémoire mes tantes, ma grand-mère et ma mère qui se réunissaient dans la cuisine pour préparer les tourtières et le ragoût de boulettes pour Noël, qui était à nos portes. Je me souviens des fous rires quand ma tante Pierrette faisait brûler la farine et que celle-ci prenait feu. Ces souvenirs sont parmi plusieurs autres qui ont marqué positivement mon enfance et qui me donnent le goût de faire vivre de pareils moments et traditions à mes enfants. Après le décès de ma mère, l’an dernier, j’ai récupéré son vieux plat Tupperware jaune moutarde (très laid soit dit en passant) qui servait de récipient pour la viande des tourtières. Nul besoin de vous dire que ce plat sert maintenant pour les recettes que je prépare avec mes enfants. Depuis que je suis maman, ce désir de transmettre mon héritage culturel et identitaire est devenu plus fort.
En grandissant, je ne me suis pas questionnée sur mon identité culturelle, cela est venu beaucoup plus tard. Depuis quelques années, je réfléchis aux origines qui font de moi une fière francophone. J’ai trouvé la réponse en effectuant quelques recherches mais aussi en observant et en questionnant mon entourage. Il y a 8 ans, sur le point d’accoucher de mon fils, je suis assise aux côtés de ma grande tante, âgée de 87 ans, qui n’en avait que pour quelques jours à vivre. Je veux comprendre, les questions se bousculent dans ma tête… « Tante Darquise, comment as-tu pu conserver ta langue française avec peu d’accès aux services en français, peu d’écoles en français à ton époque? Et pourquoi tes petits–enfants, qui ont aujourd’hui accès à plus de services et à une éducation en français, ont choisi de ne pas parler français? » Elle m’a répondu que « dans son temps » les gens se tenaient, que tous les francophones se rassemblaient et que côtoyer les gens qui ne parlaient pas leur langue n’était pas monnaie courante. Cette réponse m’a fait réfléchir… Comment, dans un pays multiculturel et multilingue, est-ce maintenant possible?
Si l’on fait le lien avec le développement de l’identité culturelle, je me rends compte combien l’environnement joue un rôle capital dans l’acquisition d’une langue, d’une culture mais aussi de la fierté qui s’y rattache, peu importe les influences externes ou les menaces à notre langue et à notre culture. Les modèles francophones qui nous entourent et leur façon de nous communiquer leur fierté francophone jouent un rôle prépondérant dans notre propre développement identitaire culturel. Je me souviens de discussions avec ma mère qui me disait que puisque je suis née à Toronto, elle craignait tellement que je perde mes acquis francophones, qu’elle nous faisait écouter des émissions en français et qu’elle avait trouvé une dame francophone pour s’occuper de ma sœur et moi pendant qu’elle était au travail. C’est donc dire que, depuis un jeune âge, mon environnement se préoccupait de ce qui me serait transmis. Cela va dans le sens de la recherche. Plus les modèles qui nous entourent sont positifs et engagés, plus notre identité devient forte.
Il ne faut quand même pas oublier la maturation du cerveau qui a aussi un rôle clé dans le développement de l’identité culturelle et langagière. Avant même de s’identifier à une langue ou une culture, il faut développer une identité personnelle. Cela débute par un poupon qui se reconnaît dans le miroir, un bambin qui se voit comme un être à part entière, un préscolaire qui est capable de se décrire physiquement, un adolescent qui s’identifie à un genre, qui est capable de décrire ses forces, ses intérêts et ses défis et finalement, un adulte accompli qui s’identifie à un groupe culturel et langagier. C’est seulement si l’identité personnelle est valorisée, reconnue et encouragée par l’environnement tout au long de l’enfance qu’elle deviendra forte et qu’elle permettra, par la suite, à l’enfant, devenu adolescent et ensuite adulte, de développer une identité culturelle et langagière toute aussi forte.
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