Auteure : Mireille Coulombe (EAO, M. Éd.), responsable de liaison-communication AFÉSEO

Tout a commencé avec un emploi d’été

Emp_Sébastien Dufour
Drapeau Franco Ontarien iStock

J’ai rencontré Sébastien Dufour, éducateur inscrit à la petite enfance, membre de l’Ordre (EPEI), originaire de la région d’Abitibi-Témiscamingue, vivant présentement à Toronto. Sébastien a généreusement offert de son temps pour nous parler de son parcours et il nous indique clairement que l’éducation à la petite enfance, c’est bien plus que changer des couches!

Il nous raconte son parcours professionnel et ce qui l’a amené à choisir cette profession 
C’est arrivé par chance et je dirais que tout a vraiment commencé quand j’étais au secondaire. Je voulais trouver un emploi d’été qui sortait un peu de ma routine, je voulais travailler avec la municipalité en entretien paysager. Donc, mon souhait était de travailler dehors et profiter de mon été. Malheureusement, tous les postes à la municipalité étaient comblés et il ne restait que des postes d’animateurs de camps d’été. 

C’était la seule opportunité d’emploi que j’avais pour cet été-là, mais il fallait que je sorte de ma zone de confort pour me rendre à une entrevue. Sans préparation (je n’avais aucune idée comment me préparer), j’ai été surpris de voir qu’il y avait des enfants sur place (à l’entrevue). Ils nous ont dit d’animer une activité pour les cinq enfants qui étaient devant nous. 

Ça a été toute une expérience! J’ai inventé un jeu; quelques jours plus tard, on m’a dit que j’avais été sélectionné. Les enfants votaient et ils ont choisi « moi » parce que, selon eux, j’étais drôle, je faisais rire, je faisais des blagues. Puis, ils m’ont dit que pour travailler cet été, je devais suivre une formation de deux jours. Ça me tentait plus ou moins. Ça a été un des plus grands weekends révélateurs de mon parcours parce que j’ai découvert que ça me passionnait de voir des gens passionnés. C’est là que mon côté animateur a vraiment commencé à être développé. On était 150 jeunes en bas de vingt ans qui se retrouvaient dans un camp pour apprendre à être animateurs. J’ai été épaté par l’énergie, le dynamisme, le charisme des gens. Ça m’a vraiment donné cette piqûre. J’ai travaillé pendant l’été. Évidemment, j’ai adoré. Après ça, j’ai réalisé que j’avais une passion et que je voulais travailler avec les enfants. Sans cette opportunité, je ne savais même pas, je n’aurais pas envisagé travailler auprès des jeunes enfants.  

Par la suite, je me suis inscrit à la Cité collégiale dans le programme d’Éducation en services à l’enfance. Initialement, mon souhait était de poursuivre mes études pour aller chercher mon BAC en éducation.  

Dans ma tête, la seule opportunité de travailler auprès des enfants, c’était dans les écoles en tant qu’enseignant.  

Je n’avais même pas envisagé travailler en petite enfance. J’ai commencé ma première session au collège et je voyais les enfants comme des bébés, ce n’était pas ce que je pensais. Après quelques semaines, j’ai presque sorti du programme. Je me suis retrouvé pour mon premier cours au collège dans une classe de 95 étudiants, je devrais dire 94 étudiantes et 1 étudiant. J’ai réalisé que c’étaient tous des gens qui ne me ressemblaient pas du tout. J’ai persévéré pendant le premier semestre et j’ai obtenu d’excellentes notes. J’ai découvert une passion pour le développement de l’enfant. 

Après, j’ai fait mon premier stage au préscolaire dans un des centres. Ça me faisait peur, car je serais auprès des « bébés ». J’ai été jumelé avec une éducatrice guide qui était formidable.  

Je me suis mis à découvrir un chemin qui se dessinait pour moi, je le voyais devant mes yeux.  

Après mes études, j’ai commencé à travailler chez Grandir ensemble à Ottawa. J’ai fait pas mal tous les postes : éducateur, au parascolaire, éducateur en chef, coordonnateur, superviseur de site. C’est vraiment là que j’ai fait le plus grand de mes parcours.  

Ça m’a ouvert d’autres portes au sein de l’AFÉSEO. J’ai commencé pour quelques mois comme coordonnateur de projet, et le poste que j’occupe présentement est coordonnateur provincial que je suis encore en train de m’approprier. Je chapeaute plusieurs régions, donc j’ai un impact encore plus grand.  

Tout mon parcours revient au moment où j’ai fait demande pour un poste que je ne voulais pas. Je suis arrivé de reculons, mais j’ai gardé un esprit ouvert. Sans cette ouverture d’esprit, je ne me retrouverais pas où je suis aujourd’hui. 

Je le dis encore à ce jour, ça a été la plus grande et plus belle opportunité de mon parcours.  

En résumé, mes moments-clés : le camp d’été, la formation d’une fin de semaine, le pairage avec l’éducatrice guide, les différents employeurs, tout ça a contribué au fait que je sois resté dans le domaine. Je voyais la relation et l’influence que j’avais auprès des enfants et tout le monde autour de moi. C’était valorisant de voir que j’étais apprécié. 

Sébastien nous confie les défis et les avantages liés à son choix professionnel 
La perception sociale – Mon premier défi était un peu d’admettre aux gens que j’allais travailler auprès des jeunes enfants. J’avais moi-même cette perception que ce n’était pas valorisant pour un homme de travailler auprès des j enfant. C’était comme une bataille intérieure de dire que je travaillais avec les bébés. C’est aussi la perception des autres : « Penses-tu que tu vas changer des couches toute ta vie? »  

Moi, j’aimais ça, mais je devais le cacher. 

Les préjugés et la stigmatisation de la présence des hommes en petite enfance – J’ai reçu plusieurs commentaires désobligeants. Des parents qui demandent « Vas-tu changer la couche de mes enfants? » ou de mes collègues qui étaient mal à l’aise que je sois dans la salle de toilette avec les enfants. 

Toujours devoir me remettre en question – Encore à ce jour, dans mon rôle, un parent a envoyé un long courriel parce qu’il avait vu un homme dans le local. Je me suis posé la question : Si j’avais été une femme, est-ce que ce courriel aurait été envoyé? Naturellement, je reçois un traitement différent. Tu dois constamment te remettre en question. Ce que je ne trouve pas équitable.

Sébastien aime plusieurs aspects de son travail 
Tout ce qui est interaction auprès des enfants et à quel point de petites actions peuvent mener à la création d’un lien de confiance. Pouvoir accompagner un enfant à bâtir de nouvelles compétences pour le préparer à de futures expériences sociales à travers toutes mes interactions : les mots que je choisis, les façons de m’adresser à un enfant vont forger son identité. J’apprécie beaucoup de contribuer de façon positive à sa construction identitaire. 

Un aspect moins intéressant 
Dans mon parcours, j’ai trouvé difficile ce constant sentiment de devoir me justifier. Ça me demandait énormément d’énergie. J’ai vécu un peu d’isolement professionnel et j’avais la pression de devoir surperformer.  

L’importance du réseautage d’hommes en petite enfance – Stagiaire, il y avait un superviseur (le directeur du centre éducatif du collège) qui avait demandé que je fasse mon stage chez lui parce qu’il voyait l’importance d’avoir un modèle masculin. Il m’a beaucoup aidé à réfléchir et il m’a donné des stratégies pour des conversations sur le genre. Le réseautage, la représentation est importante. Dans mon entourage au travail, on a réalisé que les sites où il y avait des superviseurs masculins, on avait soudainement des éducateurs hommes parce que les gens pouvaient s’associer à un modèle.  

Sébastien encourage les employeurs à embaucher du personnel éducateur masculin 
La complémentarité des compétences – Tout comme dans n’importe quelle entreprise, on a tout intérêt à avoir une diversité de perspectives. Cette diversité est importante dans une équipe pour que les enfants puissent s’associer à différents modèles, par exemple un modèle positif masculin dans leur vie est aussi important qu’un modèle positif féminin. Ça permet de répondre aux différents besoins des enfants, différentes personnes ont différentes compétences.  

Et que dire aux parents réticents à confier leurs enfants à un homme? 

Mon premier instinct est de crier injustice et de dire que ça n’a pas d’allure, etc. Il y en a plusieurs qui ont cet instinct-là. 

Ça dépend de la clientèle, des familles. Je dis toujours « Si on enlève le genre, c’est quoi les attentes envers un nouveau membre du personnel qui débute ou avec un nouvel enfant qui débute? On devrait avoir les mêmes attentes pour tout le monde. On ne connaît pas le parcours de chaque parent, de chaque famille. Il peut y avoir plusieurs raisons et il Important de le reconnaître, de prendre des petites bouchées avec le parent, parce que d’aller trop vite c’est de brusquer le parent et on n’arrive pas aux résultats souhaités. J’ai toujours mentionné, identifié toutes les exigences (RCR, vérification d’antécédents criminels, etc.) et favorisé la transparence et la communication. Mon message ce n’est pas de donner raison aux parents, c’est d’y aller étape par étape et d’avoir les mêmes attentes pour le personnel éducateur masculin ou féminin en tout et partout. Par exemple, une politique où il n’y a pas de changement de couches pendant les deux premières semaines parce que tu veux bâtir des liens. Miser d’abord sur l’interaction sociale, la confiance.  

Son message de la fin 
J’aurais voulu me dire à moi-même quand j’ai commencé : Ne pas laisser les stéréotypes teinter ta perception, ta propre valeur de toi-même. Oser ne pas se laisser tourbillonner dans les stéréotypes.  

Oui c’est valorisant, oui tu fais une différence, tout aussi valorisant que n’importe quel autre métier. 

Sébastien nous laisse en mentionnant l’importance du réseautage et souhaiterait qu’hommes et femmes puissent se parler pour démystifier les stéréotypes liés à la présence des hommes en petite enfance.  

Tout a commencé avec un emploi d’été et grâce à ses circonstances de vie, il a trouvé sa voie et sa passion.

Retour en haut
Jours :
Heures :
Minutes :
Secondes

À tout le secteur de la petite enfance francophone de l’Ontario :

Nous avons besoin de vos commentaires au sujet de nos outils de communication sur le secteur de la petite enfance.