Notre place, aujourd’hui pour demain : l’évolution de la francophonie en Ontario

Tu connais la chanson ? « Notre place, aujourd’hui pour demain, notre place, pour un avenir meilleur… Notre place, tenons-nous la main, notre place, ça vient du fond du cœur… » Je me souviens clairement de la première fois que j’ai réellement compris les mots de cette chanson, de cet hymne franco-ontarien. J’étais en 9e année, participante aux Jeux de la FESFO, et avec toute la passion et le drame d’une adolescente en pleine découverte de soi, je me souviens du sentiment d’appartenance et de fierté ressenti au fond de moi. Accrochée, bras dans les bras, avec un groupe d’amis, nous chantions à tue-tête, prêts à affirmer haut et fort notre identité franco-ontarienne. Ces mots, ce chant, n’étaient pas seulement une simple mélodie, mais un cri du cœur, un engagement. Aujourd’hui, alors que la francophonie en Ontario évolue, il est crucial de se rappeler ce sentiment profond de solidarité et d’appartenance. Où se trouve notre place aujourd’hui, et comment pouvons-nous la préserver et l’enrichir pour les générations futures?

La francophonie canadienne est en évolution constante, un processus qui se fait de manière visible et discrète. En tant que Franco-Ontarienne, je ressens profondément les effets de cette évolution, non seulement sur la langue, mais aussi sur la façon dont nous célébrons nos traditions et préservons notre héritage. Lorsque j’étais jeune, dans mon petit village, la francophonie vibrait dans ma communauté, marquée par des traditions et une culture authentique avec très peu de diversité. Les francophones étaient très à l’aise dans leurs vieilles pantoufles. Mais aujourd’hui, un vent de changement souffle sur cette même francophonie, portée par l’immigration et les nouvelles réalités sociales. Cette évolution soulève des questions :  Comment amalgamer cette diversité et aussi s’assurer de la préservation des traditions qui ont façonné notre identité franco-canadienne? Comment accueillir le changement sans perdre ce qui fait de nous des Franco-Ontariens, ceux qui ont traversé les siècles en défendant la langue et les valeurs françaises.

Pour moi, être Franco-Ontarienne, c’est bien plus qu’une simple maîtrise de la langue. C’est une identité, un ensemble de pratiques et de croyances qui définissent ma place dans le monde. En grandissant à Val-Caron, une petite localité au cœur de l’Ontario, la francophonie était omniprésente dans mon quotidien. Elle était présente dans nos coutumes, nos chansons, nos rassemblements et nos célébrations. La cabane à sucre, une occasion de célébrer le printemps avec de la tire d’érable. Les chansons à répondre et la bastragne, pendant le temps des fêtes : ceux-ci étaient des chants et des danses qui nous rappelaient nos racines québécoises et acadiennes.

La chanson “Notre place”, elle aussi, était un véritable hymne à cette francophonie, elle jouait régulièrement à la radio étudiante le matin. L’exploration des arts, soit dramatique, visuel ou musical, fait partie de mes meilleurs souvenirs et façonne mon identité culturelle. Ces moments, que je considère aujourd’hui comme des trésors d’une époque révolue, étaient une façon de célébrer la langue française, mais aussi une manière de vivre, de se reconnaître et de se rassembler autour d’une fierté commune.

Aujourd’hui, la francophonie au Canada évolue et se transforme. L’immigration, un phénomène important au sein de notre société, a largement contribué à cette évolution. Les communautés francophones du Canada, en particulier en Ontario, au Québec et dans les provinces de l’Ouest, accueillent de plus en plus de personnes d’origines diverses qui apportent avec elles leurs propres cultures, leur propre langue, et parfois même une manière différente de vivre la francophonie. Ce phénomène, loin d’être négatif, représente une richesse intégrale et importante à la vitalité francophone en Ontario. Il est une invitation à redéfinir ce que signifie être canadien-français aujourd’hui.

L’immigration diversifie les sons et les accents de la francophonie canadienne. Ce mélange d’influences culturelles et linguistiques crée une francophonie hybride, pleine de nuances, ouverte sur le monde et les autres. L’influence de cette diversité est tangible. La francophonie se réinvente à travers des musiques du monde, des cuisines fusionnées et des œuvres artistiques qui intègrent diverses influences culturelles, tout en restant ancrées autour de la langue française.

Pour que la francophonie canadienne continue de vibrer, il est essentiel de réussir cette transition entre tradition et évolution. Il ne s’agit pas de s’opposer à l’immigration ou aux nouvelles formes de francophonie, mais plutôt de trouver un équilibre, un dialogue entre ce qui a été et ce qui devient. Comme la chanson le dit : Pour ne plus avoir notre langue dans nos poches, je vais chanter…

Nous devons continuer à valoriser nos traditions, nos chants, notre cuisine, nos festivals, tout en étant ouverts à l’influence et aux contributions des nouveaux arrivants. C’est ce métissage culturel qui donnera à notre langue et à notre identité une richesse incroyable, tout en restant fidèle à nos racines.

Mais il ne faut pas oublier que cette évolution doit être comprise et acceptée par toutes les générations. La jeunesse, en particulier, joue un rôle crucial dans cette dynamique. Il nous appartient, à nous les Franco-Ontariens, de transmettre nos traditions aux plus jeunes, tout en les encourageant à découvrir et à intégrer les nouvelles formes de la francophonie. Les centres éducatifs, les écoles, les centres communautaires, les médias et les événements culturels doivent être des lieux où l’on peut, à la fois préserver et réinventer notre héritage. Notre place, aujourd’hui pour demain.